Les charges impayées en copropriété ne sont pas un détail administratif : elles peuvent mettre en péril tout un immeuble. Avec la réforme d’avril 2024, le gouvernement a voulu donner plus de moyens aux syndics pour agir rapidement. Mais cette accélération suscite aussi des inquiétudes.
Une réalité qui pèse sur le quotidien
Dans une résidence de 40 lots à Lyon, Sophie, copropriétaire depuis dix ans, en a fait l’amère expérience :
« Depuis deux ans, trois copropriétaires ne paient plus leurs charges. Résultat : impossible de financer la réfection du toit, pourtant urgente. On se sent pris en otage. »
Son cas n’est pas isolé. Selon l’Association des responsables de copropriété (ARC), près d’un quart des copropriétés françaises connaissent des impayés récurrents, et dans certaines petites résidences, cela peut suffire à bloquer toute décision collective.
Une nouvelle arme pour les syndics
Jusqu’ici, les démarches pouvaient s’étirer sur des mois, entre relances, mise en demeure et passage devant un tribunal. Mais depuis la loi du 10 avril 2024, le syndic dispose d’un nouvel outil :
- Il peut mandater directement un commissaire de justice (ex-huissier) pour engager une procédure de recouvrement.
- Le recours au tribunal n’est plus systématique, ce qui accélère la récupération des sommes dues.
Me Isabelle Durand, avocate spécialisée en droit immobilier, résume :
« On gagne en efficacité. Avant, la lourdeur des procédures décourageait certains syndics. Aujourd’hui, ils peuvent agir plus vite et préserver la trésorerie des copropriétés. »
Une réforme qui divise
Pour les bons payeurs, la réforme est une bonne nouvelle. Mais certains craignent un système trop expéditif.
Jean-Marc, copropriétaire retraité en Seine-Saint-Denis, avoue son inquiétude :
« Je ne suis pas un mauvais payeur, mais il m’est arrivé de prendre du retard à cause d’une hospitalisation. Si on envoie directement un commissaire de justice, ça peut devenir brutal. »
Les associations de consommateurs pointent le risque d’une « judiciarisation express », qui pourrait fragiliser des ménages déjà en difficulté. Elles plaident pour des dispositifs de médiation et de prévention, afin de distinguer les retards ponctuels des véritables refus de payer.
Entre efficacité et humanité
Le défi est donc de trouver l’équilibre. Les copropriétés doivent sécuriser leurs finances, d’autant plus que les travaux de rénovation énergétique – souvent très coûteux – deviennent obligatoires dans les années à venir. Mais le recouvrement des charges ne doit pas se transformer en machine implacable.
Un syndic parisien conclut avec pragmatisme :
« Notre rôle n’est pas de punir, mais de garantir l’équilibre collectif. La nouvelle loi nous donne un levier, mais l’amiable restera toujours la première étape. »